Review (VO) : Blade Runner

Free League a fait pas mal de projets, mais son adaptation d’Alien, c’est peu dire si je l’ai aimée (cf. ma chronique dispo ici). C’était un ouvrage qui arrivait à marier les différents films tout en approfondissant l’univers. Et cela en proposant un système de jeu qui transmettait la nervosité létale de l’univers. 

Avec Blade Runner, j’étais donc curieux de voir ce qu’ils allaient pouvoir faire. L’univers est blindé de thèmes que j’adore. Le rapport de la machine à son âme, le polar noir, une ville asphyxiée et asphyxiante, des lumières blafardes qui se reflètent dans les vitres des bus : tout un programme. 

Est-ce que Free League y est arrivé ? Est ce que je suis conquis ? Est ce qu’il est temps pour moi d’aller revoir les films ? Vous saurez tout dans un instant.

Fiche technique

Éditeur : Free League
Pagination : 240 pages
Résumé :
This is the BLADE RUNNER Roleplaying Game. A neon noir wonderland that will take your breath away, one way or another.
An evocative world of confl icts and contrasts that dares to ask the hard questions and investigate the power of empathy, the poison
of fear, and the burden of being human during inhumane times.
An iconic and unforgiving playground of endless possibilities that picks you up, slaps you in the face, and tells you to wake up.

Time to live. Or time to die.

“Les MJ électriques jettent-ils des dés néons ?”

“Après une révolte violente des réplicants dans une colonie martienne, ces derniers sont bannis de la Terre. Toutefois, certains réussissent à la regagner. Des unités spécialisées, appelées Blade Runner, sont là pour faire respecter la loi aux contrevenants androïdes. Ils ont l’autorisation de tuer n’importe quel réplicant en situation irrégulière. Les gouvernements n’appellent pas cela un meurtre mais un « retrait ».” (source : Wikipedia de Blade Runner)

Si ces mots ne vous laissent pas indifférents ou s’ils vous rendent curieux, sachez que le travail de Free League sur le background de Blade Runner est nickel. Exactement comme pour Alien, l’histoire est ici dense et exhaustive. Le jeu prend en compte les deux films et la série animée (qui fait le lien entre les deux films). Concernant les livres, ne les ayant pas lus, je ne m’avancerai pas. 

Le tour de force, c’est que le background du monde ne donne pas ce sentiment d’abécédaire de la franchise cinématographique, tout en arrivant à transmettre l’histoire du monde comme s’il avait été inventé pour le JDR. Précision, le JDR se passe avant le deuxième film, mais il reprend les thèmes de ce second opus. 

“Vivre une aventure écrite par une I.A ?”

Au niveau de la proposition de jeu, on vous propose de jouer un Blade Runner, c’est-à-dire un agent de la loi spécialisé dans les réplicants. Changement quant à ce bon vieux Deckard, il n’est plus question de ne chasser que les réplicants. Aujourd’hui les réplicants ne sont plus interdits. Enfin, ils ont le droit de servir jusqu’à leur destruction. Clairement on est dans de l’esclavagisme postmoderne, est-ce mieux ? Sûrement pas mais c’est le sel des romans noirs après tout. 

Du coup, il est donc ici question autant de chasser les anciens modèles illégaux (Les Nexus 8), que de protéger les légaux (le modèle Nexus 9). D’ailleurs la possibilité de jouer un réplicant est là aussi. Ironie de chasser sa propre espèce pour un monde qui vous déteste et d’avoir comme mission de s’assurer que les siens ne sont pas dysfonctionnels. Et cerise sur le gâteau, pour les Blade Runners humains, le MJ est toujours en droit de jeter le dé pour savoir s’ils ne sont pas des réplicants qui s’ignorent. 

"Vue latérale sur un bâtiment typique pollué" la pub pour l'hôtel était donc vraie !

“Peut-on faire confiance à un programme pour lancer nos dés ?”

Quant au système de jeu, il est clairement un plus pour ancrer l’univers dans une partie. 

Le livre aborde l’importance du temps dans une partie. Que ce soit dans la création d’une timeline pour le MJ mais aussi de l’interprétation de son manque, de temps, aux personnages pendant une enquête. Tout individu (y compris un réplicant) doit se reposer un shift par jour (Un jour c’est 4 shifts) et l’absence de pause à des répercussions, tant physiques que morales. Ce shift de repos est aussi conçu comme l’occasion d’approfondir les relations du personnage et de lui faire vivre des scènes de son quotidien (Et comme c’est Free League y a des tables aléatoires en cas de panne d’inspiration). 

Il y a aussi un autre aspect que j’ai beaucoup aimé, c’est la notion de souvenir. On va demander à chacun de générer un souvenir important, même au réplicant. Même si dans ce cas le souvenir a été implanté et non “vécu”. Dans le cadre d’un jeu ou machines et humains peuvent rêver, c’est un symbole important de ce qu’est Blade Runner et le fait de l’utiliser est nickel.

Petit aparté mais si vous devez “profiler” un réplicant dans le jeu, vous pouvez littéralement accéder à sa mémoire implantée et demander conseil aux bio-ingénieurs pour prédire ses prochaines actions. C’est un petit détail que j’ai vraiment beaucoup aimé.

“De l’humour programmé est-il toujours de l’humour ?”

Je ne pourrai pas finir cette chronique sans parler du travail visuel de Martin Grip. C’est magnifique et on y retrouve toute les colorations néons usés qui plongent dans l’atmosphère de cet univers si unique. Je suis de ceux qui ne préfèrent pas juger un jeu sur la couverture. Je reconnais néanmoins que lorsque le jeu est bon, le choix esthétique finit parfois de me convaincre. 

Ici il est à l’image des films et c’est vraiment un travail excellent que je voulais souligner. (Le bonhomme a aussi bossé sur Alien, entre autres, et j’étais déjà fan).

"Moi j'ai toujours dit qu'on aurait pas dû supprimer les cabines téléphoniques !"

En bref

Je pourrais vous parler de la carte de la ville qui est à la fois vague et à la fois suffisamment classe pour la mettre au centre d’une table (ou en fond d’écran d’une partie), cette L.A. futuriste qui est décrit succinctement pour laisser de la marge aux MJ tout en donnant des idées suffisamment claires pour donner le ton général. 

Il y a aussi le sous-texte limpide sur l’esclavagisme de la robotique et de la facilité des humains à se comporter comme des monstres quand ce n’est pas l’un des leurs. Y a ces petites phrases comme la bouffe (très souvent dégueu, avec l’iconique bol de nouilles), et ces remarques sur les riches et leur cynisme létal. 

Tout ce qui fait un roman futuro-noir en somme. 

Mais je finirai plutôt par mon sentiment à la fin de ma lecture. J’étais rêveur. J’avais envie de revoir les films pour me ré-imprégner de l’univers et d’éteindre les lumières avec quelques néons à mes côtés. Free League a réussi à me faire aimer encore plus une œuvre qui à sa façon avait déjà su trouver une place dans mon cœur. 

Clairement un must-have pour les cinéphiles comme pour les amateurs de jeu de polar noir qui n’attendra qu’une chose : la campagne que Free League va se charger d’écrire et qui devrait finir de donner ses lettres de noblesse à ce jeu !

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