Review (VF) : Aventures dans le Monde Intérieur

Quand j’étais gosse, mon père me faisait la dictée le soir en me lisant un chapitre du Voyage au Centre de la Terre de Jules Verne. Résultat, je suis resté une brêle en orthographe, mais j’ai gardé cette envie folle de creuser le sol avec ma pelle pour découvrir de nouveaux continents. Sans doute pas le résultat espéré par mon géniteur, mais essayez ça chez vous et vous ferez des générations de petits rôlistes.

Tout ça pour dire que Sethmes m’a donné l’occasion de parcourir Aventures dans le Monde Intérieur (qu’on appellera AMI par facilité), et j’ai cru entendre la voix de mon paternel à plusieurs reprises. Je suis donc totalement partial quand je vous annonce que j’ai eu dans les mains une petite pépite rétro-pulp sauce Verne que je vous recommande chaudement (et la dixième raison va vous étonner !) Allez, sortons l’argenterie qu’on entame cette chronique !

Fiche technique

Éditeur : Sethmes
 
Pagination : 482 pages
 
Résumé : Aventures dans le Monde Intérieur propose aux joueurs d’incarner des explorateurs d’exception, gentlemen ou vétérans de l’époque victorienne, plongés dans la plus extraordinaire des aventures humaines : la conquête des fantasmagoriques contrées s’étendant sous la surface du monde.

Présentation de la gamme

«Edward apportait partout avec lui son jeu d’échec et son gramophone car rien, pas même une attaque d’araignées géantes, ne pourrait lui faire déroger à son moment gentleman du soir. »

Aventures dans le Monde Intérieur est sorti il y a dix ans aux éditions “Ludopathes“ avant de sombrer dans le néant pour être finalement récupéré/sauvé par Sethmes courant 2021, lui offrant une nouvelle vie.

Le jeu vous propose de rejoindre les aventuriers du Club Arcadia pour parcourir les strates du monde intérieur sous la bannière de l’idéal humain. Tout cela en faisant fi de la faune mortelle (Et sachez qu’il y a des raptors… rien que ça c’est awesome de base), des indigènes souvent hostiles (Coucou les fourmis géantes intelligentes qui vous feront réviser à la fois enthomologie et antrophologie) et des conspirations du Masque Noir (Des individus sans scrupules qui veulent exploiter les ressources de ce monde quitte à le détruire… Ouaip même dans les uchronies on a les mêmes salauds qu’à la maison).

La gamme se compose actuellement d’un livre de base avec son petit scénario d’introduction, de deux almanachs composés de règles complémentaires et d’histoires à faire jouer et de 5 scénarios disponibles en PDF sur le site de l’éditeur.

Voilà pour la petite présentation factuelle.

Qu’est-ce qu’on joue ?

« Miss Emily n’avait rien contre la galanterie, elle goûtait même un compliment ici et là sur sa personne. Mais lorsqu’il s’agissait de combattre des singes cannibales, for God’s sake, elle fatiguait des marques d’attention virile. Son père ne lui avait pas enseigné les arcanes de la boxe française pour qu’elle reprise des chaussettes. »

Les joueurs sont membres du Club Arcadia. Un cercle d’initiés qui protègent un des plus grands secrets du monde : la Terre est creuse et peuplée de civilisations, certaines primitives, d’autres avancées, mais toutes héritières de la mystérieuse Atlantide, la même qui marqua durablement le monde du dessus comme celui du dessous. Ce secret est conservé car l’avidité de l’homme a déjà failli provoquer la destruction du noyau terrestre et il est évident que l’humanité n’est pas encore prête à cette vérité. 

On appréciera le fait que l’origine sociale, ethnique ainsi que le genre des candidats ne doit pas être un frein à la cooptation au Club Arcadia. Seuls la probité et le mérite permettent l’ascension. Laissons à la surface ces préjugés et gardons seulement l’intelligence comme guide.  C’est nickel, ça permet à tout un chacun de faire le personnage qu’il a envie. De doser son envie « d’historicité » accompagnée de son lot de clichés et de “pourquoi pas”, d’en jouer pour en démontrer l’absurdité ou d’y mettre un petit ton décalé entre adultes consentants.

Pour ce qui est du monde souterrain, on a :

  • Une  revue exhaustive des peuples rencontrables ainsi qu’un historique général. Ces peuples résonnent avec notre mythologie, l’Agartha, le peuple de Mû, l’Atlantide, entre autres. 
  • Des peuples d’animaux anthropomorphes, un classique dans le pulp. Que serait d’ailleurs une histoire sans ses mandrills lanciers ou des sauriens anthropophages ?
  • Une bonne dose de bestiaire dont les magnifiques Archéosaures (des dinosaures mais avec l’accent victorien).
  • On finalisera le tout par vous décrire les strates les plus profondes d’où s’exhale une ambiance de démence malfaisante. Question que ma peur des profondeurs ne soit pas totalement infondée.

Tout ça est assez dense mais met en lumière un principe qui me plaît beaucoup dans AMI : l’œuvre ne cherche pas à être une encyclopédie du Monde Intérieur mais d’être la co-création de l’auteur et du MJ. Cela ne veut pas dire que vous êtes lâché à votre propre imagination, les outils fournis permettent d’avoir une vision assez claire de ce qu’on peut y trouver. Mais les histoires que vous raconterez seront les vôtres à plus d’un titre et c’est une bonne idée.

"Les grottes de Han c'était pas ce qu'on m'avait promis"

Le système de règles

“Augustin n’était pas sûr de ce que ces singes voulaient mais le fait qu’ils agitent des organes au bout d’une pique n’augurait sans doute rien de bon.”

Tout cela est bien beau, me direz-vous, mais qu’en est-il des règles ? Ça reste sobre avec une part d’aléatoire non négligeable. En gros, vous jetez 3D6 et vous devez en obtenir 10 au moins. Plus, c’est ce qu’on appelle une marge de réussite, moins c’est ce qu’on appelle une marge d’échec. Selon vos capacités, vous pourrez rajouter un ou plusieurs D6 et selon la difficulté, soustraire ou additionner jusqu’à 6. 

Exemple : Andrew McAllister, spécialiste en escalade des Alpes, se trouve en train d’escalader un stalagmite particulièrement élevé. Il a donc 4D6+2 car il connaît son ouvrage. Le fait que la paroi est bien abrupte et que des pygmées végétaux tentent de le planter de leurs flèches rendent la tâche très difficile (-4). Il jette donc 4D6 – 2 et obtient 13 ce qui est une réussite. Il s’en sortira donc sans trop d’égratignures et avec la conviction de devenir végétarien pour se venger ! 

Pour compléter ces dés, sachez qu’il existe des réserves de dés bonus et un système de réussite critique/échec critique. Le système n’est pas compliqué en soit mais la chance aux dés peut clairement faire basculer une action dans un sens ou dans l’autre. 

La gestion de la vie quotidienne

Le prochain chapitre des règles va nous parler de la vie quotidienne dans le monde intérieur. D’emblée, il y a pleins de règles dans tous les sens. Chaque aspect, que ce soit le voyage ou la construction d’un pont de liane en passant par l’étude d’artefacts Atlante, a droit à son système. Dans cette approche modulaire que je décrivais au chapitre de l’histoire, ce passage a beau parfois ralentir le rythme et demandera quelques sessions pour l’avoir bien en mains, il n’en reste pas moins nécessaire pour aider à votre construction d’univers. Car à travers les règles, il y a des propositions d’histoires et des squelettes de campagnes qui vous aideront. 

Tout d’abord, lorsque vous partez en expédition, vous ne partez pas à quatre avec votre couteau. Non vous avez une vraie expédition avec vous, avec son lot de porteurs (Il faut bien quelqu’un pour transporter le lustre familial), des experts dans divers domaines (Déception, le menuet n’est pas considéré comme vitale). Toute cette équipée va avoir ses règles de combat de masse, ses règles de morale et le risque de rébellion afférant (Et oui vous pourriez être abandonné au milieu d’un lac de lave alors que vous êtes le seul à savoir comment fonctionnent les volcans).

Vous pourriez, toujours dans ces expéditions, rencontrer des difficultés comme des tunnels à ouvrir, des ponts à bâtir ou étudier la faune et flore afin de trouver de quoi grailler. On parle alors d’ouvrages qui permettent à chaque archétype (L’équivalent des classes de perso) de pouvoir s’illustrer en ayant ses domaines de prédilection. Cela va jusqu’à dérouler une table des avancées technologiques pour les scientifiques. Le mieux c’est de donner à chaque joueur sa table d’ouvrage afin qu’il puisse l’utiliser au mieux. 

Et si vous vous demandez comment dynamiser ces péripéties, il y a tout un chapitre qui génère rencontres et problèmes pour vous. 

Ensuite, et là on a franchi les ponts, les grottes et les problèmes, vous allez pouvoir rencontrer des peuplades et nouer des relations avec eux. Là aussi le livre vous propose des paliers relationnels et des récompenses pour l’investissement des héros dans ce pan du jeu.

De toutes ces situations et de leurs règles viendra l’accomplissement de tout explorateur : l’installation d’une colonie ! Moteur de scénarios, objectifs de campagne ou moment en dilettante, le livre est pas mal exhaustif sur ce qu’il va falloir faire et de comment mettre à contribution les personnages.

Voilà donc ce que AMI propose, une approche assez large et complète pour représenter la plupart des situations du jeu. Je vous l’avais dit, c’est dense, mais la volonté derrière est bienveillante et je pense que l’expérience doit se tenter, règles incluses. 

"Pourquoi faire compliqué alors qu'on peut imiter la nature" proverbe atlante

Revue du scénario

“Lady Sarah n’était pas du genre à arriver en retard, et l’idée que la Hiérophante de l’Ordre Solaire puisse l’attendre la rendait folle. Mais force était d’admettre que cette invasion de chenilles carnivores dans sa tente ne l’aidait en rien.”

En gros, vos aventuriers vont commencer à Londres et découvrir un artefact du monde d’en dessous vendu par d’étranges marins provenant d’Egypte. De fil en aiguille, ils vont découvrir une conspiration du Masque Noir et aider un peuple du Monde Intérieur.  

Objectivement, j’aime bien ce scénario mais je ne l’aurais pas mis en introduction de la gamme. Tout d’abord, parce qu’il se passe principalement en surface, et ensuite parce qu’une fois dans le monde du dessous, on y affronte des ennemis emblématiques certes, mais à la fin on referme la porte pour laisser les autochtones tranquilles et puis c’est tout. Trop en surface, pas assez d’implications pour le Club… Ca ne veut pas dire qu’il est mauvais mais que le propos me donne plus l’envie de le glisser dans une campagne, comme une pause à l’intrigue principale, car ce scénario a clairement des qualités. 

Tout d’abord, il aborde les aventures en surface et c’est une très bonne chose. La plupart du livre vous parle du Dessous (bon c’est normal) et de ce qu’on peut y faire. Du coup avoir une parenthèse avec un exemple d’histoire à la surface est bienvenu. La soirée chez l’ambassadeur en Egypte avec son lot d’espions du Masque Noir a quelque chose de magique. Vos joueurs vont dé-tricoter des intrigues tout en apercevant du coin de l’oeil de nombreux sbires. Un jeu de chat et de souris mondain, c’est vraiment sympa.

Ensuite dans la partie souterraine, les enjeux sont clairs avec un peuple esclavagisé et des méchants sans scrupules. Si le déroulement semble assez aisé, le final viendra réveiller vos joueurs pour leur rappeler que rien n’est jamais acquis en bas. Ce final à coup de statues géantes châtiant les intrus devrait laisser un bon souvenir à la tablée.

En bref

Ce jeu est fait pour vous si :

  • Vous aimez les ambiances victoriennes à la Jules Verne.
  • Vous cherchez à créer des histoires sur le long court et apprécier un support de jeu fourni.
  • Vous cherchez un cadre différent d’aventures parce que… le centre de la Terre quoi !
  • Vous aimez les jeux “bac à sable” qui fournissent des cadres modulables laissant la part belle à la création.
  • Vous rêvez de placer un coup de savate boxe française, sur un air de Lully, dans les mâchoires d’un mégalodon des abysses. (Oui c’est mon projet !)

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